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Les enjeux de la sécurité affective :

Des petits « coups de pompes » au développement autonome.

Malmenée aujourd’hui, indispensable depuis toujours, la sécurité affective est un besoin vital pour tous les êtres humains durant toute leur vie. Souvent réfléchie autour du tout-petit, elle est le maitre mot des projets en tout genre, apparaissant comme une évidence pour tous les professionnels de l’enfance. Au cours de ces derniers mois, elle a été bousculée, et aujourd’hui repensée par la lorgnette des contraintes sanitaires qui ont vite fait de balayer sur leur passage tout ce que nous savons des conditions indispensables au bon développement de l’enfant. Dire que l’on respecte l’enfant ne suffit pas, il faut aller plus loin et se tourner vers cette irremplaçable et vitale sécurité affective. Mais comment la définir et comprendre son mécanisme ?  À partir d’une métaphore très simple nous allons découvrir comment elle se met en place, dans ses multiples déclinaisons mais également dans ses possibles failles, afin de lui laisser cette place incontournable.

Un cerveau aux multiples besoins

Pour mieux comprendre ce qui se passe, voyons ce que les neurosciences nous précisent. Notre cerveau sécrète plusieurs types d’hormones. Parmi celles-ci et en restant sur une approche extrêmement simplifiée, il existe l’hormone du bien-être, appelée l’ocytocine et l’hormone de stress appelée le cortisol. L’une de ces hormones apporte sécurité et confiance (l’ocytocine), tandis que l’autre peut être un poison pour notre cerveau (le cortisol). C’est grâce à ces hormones, et de nombreuses autres aussi, que se crée le lien, comme le lien d’attachement, vital pour le bébé, vital pour l’être humain tout au long de sa vie.

Ces hormones sont sécrétées essentiellement par la stimulation ou l’absence de stimulation de  l’environnement affectif de l’enfant. Ainsi, des parents, des professionnels bienveillants, très présents, à l’écoute de l’enfant vont stimuler l’ocytocine et ainsi créer une véritable sécurité affective, tandis que des adultes malveillants vont renforcer le stress chez l’enfant.

La présence de l’adulte comme point de départ

Pour qu’il y ait une sécurité affective de base, il faut que l’adulte soit présent… Véritablement présent. Ce qui signifie qu’il porte dans sa tête, dans son être cet enfant-là, dans ces moments-là. Il n’est pas à penser à autre chose, à regarder son téléphone portable, à regarder la télévision, ou en institution à parler avec un(e) collègue, à remplir un cahier de transmissions…

L’adulte est avec l’enfant, attentif à ses regards, son souffle, ses rythmes, ses cadences, ses mots, ses gestes… Tout ceci s’inscrit dans une présence mutuelle, parce que le petit enfant va également observer, ressentir, le rythme de l’adulte, son intention, ses attentions, ses paroles, ses silences, son souffle, ses cadences.

Ce partage hautement sensoriel est le cœur de toute relation humaine et donne la tonalité de ce qui est possible dans cet ici et maintenant, entre cet enfant et cet adulte. C’est grâce à ce tissage de verbal, non-verbal dans une réciprocité visible, compréhensible, tactile que la sécurité affective trouve ses bases. Elle est le cœur de la relation entre individus et ne peut être que sincère et authentique.

Premiers « coups de pompe »

Imaginons, à présent, un enfant de moins de trois ans en présence d’un adulte qui peut être son parent, un membre de sa famille, ou bien un professionnel. Comparons cet adulte à une pompe à essence. L’image n’est certes pas très séduisante mais cette métaphore va nous permettre de comprendre comment la sécurité affective s’active, fonctionne ou dysfonctionne. Pour qu’il y ait une sécurité affective de base, l’enfant a besoin de la présence d’un adulte et de son contact. En effet, lorsque les petites mains de l’enfant rencontrent les mains de l’adulte, lorsque la caresse sur la joue vient consoler le chagrin de l’enfant, ce « peau à peau » déclenche immédiatement de l’ocytocine. Aussi, au contact de l’adulte, l’enfant fait le plein d’ocytocine. Et c’est à partir de ce phénomène que la métaphore de la pompe à essence prend tout son sens.

Lorsque le petit Léo est un peu fatigué, et que la matinée devient un peu longue pour lui, le voici attentif à la posture de l’adulte. Louise, la professionnelle est assise en tailleur au milieu des enfants. Très rapidement, Léo repère Louise et vient se lover aux creux de ses jambes repliées. Les respirations s’accordent, les regards s’échangent, même si la position de Louise n’est pas très pratique pour un face à face. Léo soupire, observe… Silencieux. Puis, sans crier gare… Se lève et repart jouer avec Manon. Il a fait le plein de sécurité affective et peut à présent s’éloigner de l’adulte. Le plein d’ocytocine a bien fonctionné. Léo reviendra peut-être chercher ce contact et reprendre cette petite dose de sécurité affective auprès de Louise, si sa réserve est suffisamment pleine pour faire le chemin inverse. Mais il peut aussi tomber en panne de sécurité affective. Debout, à l’extrémité de la pièce, Léo se met à pleurer. « C’est rien ! » lui dit Louise, « viens me voir « … Mais impossible pour Léo de revenir vers cet adulte pourtant disponible… Léo est tombé en panne de sécurité affective. Et comme l’automobiliste qui tombe en panne d’essence aura besoin d’une dépanneuse, Léo aura besoin que Louise se déplace vers lui et non l’inverse…

Des dysfonctionnements possibles

Nous pouvons également imaginer comment ces « pompes à sécurité affective » peuvent parfois dysfonctionner. Tout comme une pompe à essence peut délivrer de l’essence de mauvaise qualité, la sécurité affective peut être hésitante, absente, envahissante, très directive, possessive…jusqu’à « pomper l’air » !

Certaines pompes à essence peuvent également déborder, ou avoir un débit trop faible, la sécurité affective serait alors timide, incertaine, irrégulière et peu fiable.

Une erreur de carburant serait problématique pour une voiture, comme une sécurité affective mal interprétée, déplacée serait alors l’illustration des drames de la maltraitance.

Autant de dysfonctionnements, autant de failles avec lesquelles l’enfant devra apprendre à composer…Ou pas !

Le « doudou jerrican »

L’enfant découvre ainsi le monde qui l’entoure grâce à ces multiples relations qui composent son entourage familial, quotidien ou exceptionnel. Chaque rencontre est une aventure et bien des enfants ont avec eux leur petit jerrican de sécurité affective… Leur doudou !  Objet précieux pour sentir, ressentir, cette odeur de « soi », douce et rassurante et pour construire ce même fil de « soi » de la maison vers une autre destination. C’est pour cette raison qu’il est important de ne pas supprimer ces doudous car ils contribuent à la toute première gestion autonome de cette précieuse sécurité affective de l’enfant.

Une pompe à essence comme astuce memo-technique

Cette métaphore autour de la pompe à essence est comme une astuce pour ne pas oublier  combien la posture de l’adulte est importante et combien notre présence et le contact sont indispensables pour l’enfant dans la construction de sa sécurité affective.

Nous ne regarderons peut-être plus tout à fait de la même manière les pompes à essence, ni même les bandes d’arrêts d’urgences ou les aires de repos !… Si l’humour peut nous aider à mémoriser de façon très ludique cette notion de sécurité affective, il est en revanche, très sérieux, très essentiel et urgent, dans cette période si particulière que nous traversons, de ne jamais banaliser l’importance de cette sécurité affective qui peut et qui doit impérativement  cohabiter avec les exigences sanitaires. Il en va de l’avenir de nos enfants !

Christine Schuhl Juin 2020

    Dessins Véronique Olivier-Martin

Pour poursuivre la réflexion : C.Schuhl, V.Olivier-Martin Enfant, adulte…Une relation à construire, Chronique Sociale 2020.

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